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20 octobre 2006 5 20 /10 /octobre /2006 08:54
 

"Il est bon d'être solitaire. Il est bon également d'aimer. Avoir de l'Amour d'un être humain à un autre, c'est peut-être le plus difficile et cela nous est imposé. C'est l'extrême. C'est l'ultime preuve, la mise à l'épreuve. C'est le travail pour lequel tout autre travail n'est que préparation.

C'est pourquoi les jeunes gens, qui sont en tout des débutants, ne sont pas capables d'amour. Ils doivent l'apprendre de tout leur être, de toutes leurs forces ramassées autour de leur coeur solitaire, inquiet, d'où montent les battements. Ils doivent apprendre à aimer. Mais le temps de l'apprentissage est toujours long et clos. Aimer est donc pour longtemps, loin en entrant dans la vie, solitude. C'est une plus intense et plus profonde manière d'être seul pour qui aime.

Aimer n'est rien d'abord qui signifie se fondre, se donner et s'unir à une seconde personne. Que serait en effet l'union de l'inéclairci et de l'imprécis, de ce qui n'est pas encore en ordre? C'est pour l'individu une sublime occasion de mûrir, de devenir en soi-même quelque chose, de devenir monde pour l'amour d'un autre; monde pour soi-même.

Aimer est une grande et immodeste exigence envers l'individu. C'est une chose qui le choisit et l'appelle vers le vaste. C'est dans ce sens seulement, celui d'une tâche, d'un travail sur soi, ausculté et martelé jour et nuit, que des jeunes gens devraient se servir de l'amour qui leur est donné. Se fondre, se donner toutes les manières d'être en commun, voilà qui n'est pas pour eux. Il leur faut longtemps, longtemps encore, épargner, amasser. Voilà l'ultime, ce à quoi peut-être des vies humaines ne peuvent suffire encore aujourd'hui.

Or, c'est là que se trompent si souvent et si lourdement les jeunes gens qui, essentiellement, n'ont pas de patience. Ils se jettent les uns aux autres quand l'amour vient sur eux. Ils se répandent tels qu'ils sont, avec tout leur déséquilibre, leur désordre, leur confusion. Mais que doit-il en advenir? Que doit faire la vie de ce tas de mille débris qu'ils appellent leur communauté et qu'ils aimeraient bien, si c'était permis, nommer leur bonheur et leur avenir?

Là, chacun se perd pour l'amour de l'autre et perd l'autre et beaucoup d'autres qui voulaient encore venir; et perd les vastes espaces, les possibilités et change l'approche et la fuite de choses silencieuses, pleines de pressentiments, contre une perplexité stérile d'où plus rien ne peut venir; rien qu'un peu de dégoût, de déception, de pauvreté.

Et l'on cherche alors son salut dans l'une des nombreuses conventions qui, pareilles à des refuges publics, bordent en grand nombre ce très dangereux chemin.

Rainer Maria Rilke (1875-1926) "Lettres à un jeune poète"

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18 octobre 2006 3 18 /10 /octobre /2006 20:17

           Certains ont le désert à leur porte. Chez nous c’est la Lande. La vraie lande, sableuse et quasiment dénuée de toute vie humaine.

 

 

 

 

            A perte de vue, du sable et de la forêt. De ce sable noir qui vient vous colorer les pieds et les jambes dès que vous le foulez. Ce sable noir qui n’accepte que le maïs, les asperges et les arbres.

 

 

 

 

            Et puis, cette forêt d’acacias, de chênes, de fougères, de bruyère mais surtout de pins. Elle sent bon, c’est elle la vie dans ce pays. Elle abrite quelques gros gibiers bien sûr mais peut-être autant de secrets.

 

 

 

 

            Les secrets de ces vieux résiniers et bergers qui peuplaient autrefois la Lande mais aussi secrets de tous ceux qui s’y sont cachés pour éviter le pire pendant les maudites guerres.

 

 

 

 

            Cette lande, je n’y vis pas sinon je serais encore plus sauvage qu’aujourd’hui, mais je l’aime. Un peu de sa sève coule dans mes veines. Je suis toujours heureuse de venir la respirer.

 

 

 

 

            Ecoutez, sentez, regardez et vous verrez que malgré ses airs inhospitaliers, elle sait se montrer agréable….

 

 

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18 octobre 2006 3 18 /10 /octobre /2006 06:54
La répression de l’immigration illégale telle qu’elle est conduite
par le Ministre de l’Intérieur et les divers procédés qu’elle met en
oeuvre -opérations « coup de poing » dans les quartiers habités par
les migrants, contrôles au faciès, interpellation des enfants dans les
écoles, convocations-pièges au guichet des préfectures- évoquent
inévitablement, aux yeux de certains de nos concitoyens, les années
noires de 1940-1944 et le sombre souvenir des persécutions antisémites.

Bien entendu, sitôt que ce parallèle est explicitement énoncé, les
protestations fusent pour souligner son caractère incongru. Les deux
situations n’auraient, assure-t-on, rien de comparable, et leur seul
rapprochement serait une insulte à la mémoire des victimes de
l’extermination.
Voire... Assurément, il existe entre les deux épisodes des
différences considérables, et il serait absurde de les nier.
Cependant, sitôt qu’on cherche à les cerner de façon précise,
il apparaît qu’elles tiennent presque exclusivement au rôle des occupants allemands :
terriblement présents et actifs en 1942, ils ont -fort heureusement- disparu en 2006.
En revanche, si l’on considère le comportement des autorités
françaises, les similitudes sont manifestes.
En premier lieu, la présence de certaines personnes sur notre sol
est constituée en « problème », et tous les esprits « raisonnables »
s’accordent pour estimer que ce problème exige une solution. En 1940, une
large fraction de l’opinion, débordant de très loin les frontières de
l’extrême-droite, reconnaissait la réalité d’une « question juive
 » en France, même si des divergences profondes existaient quant aux
réponses à lui apporter. De même, de la droite à la gauche, nos
dirigeants proclament d’une même voix que l’immigration illégale met
en péril nos équilibres sociaux et notre identité, et qu’il faut donc
la refouler, les désaccords ne portant que sur la méthode.
En second lieu, les solutions envisagées passent toutes par
l’expulsion partielle ou totale des personnes jugées indésirables.
En 1942, cette expulsion prend la forme d’une livraison aux autorités occupantes.
En 2006, les intéressés sont renvoyés dans des pays dont certains sont
soumis à des dictatures impitoyables, dont d’autres sont ravagés par la
guerre civile, dont tous sont marqués par le sous-développement, le
sous-emploi et la pauvreté. Bien entendu, le résultat final est
infiniment moins tragique aujourd’hui qu’hier, mais ce qui est
caractéristique, c’est que, dans les deux cas, l’administration
française se désintéresse entièrement de ce résultat : littéralement,
ce n’est plus son affaire. On a soutenu qu’en 1942 les autorités
françaises ignoraient le sort réservé aux Juifs par les nazis :
peut-être, mais leur ignorance même était le résultat d’une décision
réfléchie : elles ne voulaient pas le savoir. Il en est exactement de
même aujourd’hui : ce qui compte pour le gouvernement, c’est de se
débarrasser des hommes, des femmes et des enfants concernés ; sitôt la
frontière franchie, il ne s’estime plus responsable de rien et les
abandonne à leur destin en toute indifférence.
Pour expulser les gens, il faut d’abord s’assurer de leur personne.
Nous retrouvons ici la gamme des procédés que j’évoquais en
commençant. C’est que dans ce domaine les analogies résultent de la
nature des choses ; la chasse à l’homme, surtout lorsqu’elle est
assortie d’objectifs chiffrés, implique l’utilisation d’un certain
nombre de techniques : rafles, convocations-pièges, interpellation des
enfants dans les écoles, internement administratif. Quelles que soient les
populations ciblées, le recours à ces techniques est inéluctable dès
lors qu’on prétend à l’efficacité. Il faut d’ailleurs admettre
que, sur ce point, le Ministre de l’Intérieur n’a guère innové par
rapport à ses prédécesseurs de l’époque de Vichy et de la guerre
d’Algérie et la police française n’a eu qu’à puiser dans ses
archives pour retrouver les bonnes vieilles méthodes.
En quatrième lieu, la mise en oeuvre de la répression et les dérives
qui l’accompagnent suscitent inévitablement des protestations de caractère
moral ou humanitaire. Face à ces protestations, la riposte des
responsables est la même, en 2006 comme en 1942, et elle est double :
d’un côté, les autorités, nous disent-elles, ne font qu’appliquer la
loi, et les protestataires s’entendent reprocher leur incivisme. Par
ailleurs, pour désarmer les oppositions, les autorités introduisent des
distinctions à l’intérieur de la population frappée par la
répression. En 1942, le gouvernement de Vichy déclarait séparer le cas
des Juifs français, dont il prétendait vouloir sauver au moins la vie, de
celui des Juifs étrangers, livrés pieds et poings liés à l’occupant.
De même aujourd’hui, Maître Arno Klarsfeld, l’ineffable médiateur
promu par le Ministre de l’Intérieur, insiste sur l’opportunité
d’opérer un tri, une sélection, entre les familles qui ont des attaches
avec la France et celles qui n’en ont pas, l’expulsion de ces
dernières n’appelant aucune objection de sa part.
Entre 1942 et 2006, les éléments de continuité sont donc nombreux,
et il est d’autant plus légitime de les mettre en évidence que, comme les
historiens l’ont aujourd’hui démontré, la politique anti-juive du
gouvernement de Vichy ne lui a nullement été dictée ni imposée par
l’occupant, même si elle comblait ses voeux. C’est d’eux-mêmes et
spontanément que le gouvernement, l’administration et la police de Vichy
ont offert et apporté leur concours aux autorités allemandes, notamment
sous le prétexte proclamé de préserver la souveraineté de l’Etat sur
le territoire national : ils ne sauraient donc excuser leur conduite au nom
de la contrainte ou de la « force majeure ». La comparaison est donc
légitime avec la politique présente, dont l’origine « française »
n’est pas discutée.
Si les événements suivent leur cours actuel, il est vraisemblable
que les analogies iront jusqu’à leur terme et que, dans trente ou quarante ans,
des cérémonies de repentance seront organisées pour déplorer et
désavouer la politique d’immigration pratiquée actuellement. Plutôt
que d’attendre un tel dénouement, ne serait-il pas préférable de
renforcer dès aujourd’hui la résistance à cette politique, en
attendant d’y mettre fin dès que l’évolution de l’opinion le permettra ?
Emmanuel Terray
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13 octobre 2006 5 13 /10 /octobre /2006 10:00

Virginie aura trente ans dans quelques jours. Elle est la maman d'une magnifique petite Claire qui a eu huit mois la semaine dernière. Virginie a arrêté de travailler pour allaiter Claire. Cet enfant elle l'a voulu. Elle lui a donné la vie. Elle lui donne le sein jour et nuit depuis huit mois. L'adolescente révoltée et dure, la jeune femme autoritaire et insouciante, a laissé la place à une jeune maman pleine de bonne volonté et désireuse de bien faire, attentive aux moindres faits et gestes de son enfant .


«  Cet enfant je l'ai voulu et désiré. Comment ne pas tout lui donner maintenant qu'il est là? D'abord elle! » La mère et la fille ne peuvent pas se passer l'une de l'autre. Claire ne peut pas rester bien longtemps sans sa mère et pour l'instant elle ne peut pas s'endormir le soir sans le contact physique, charnel, viscéral avec sa mère. Il lui arrive parfois de s'endormir seule dans la journée mais le soir jamais. La relation mère/fille est fusionnelle.


L'entourage familial s'interroge. N'est-ce pas excessif? La mère va-t-elle « tenir la distance » ? Ne va-t-elle pas s'épuiser à être ainsi à l'écoute de son enfant jour et nuit? Claire n'est-elle pas en train de « manger » sa mère au sens propre et figuré? Ne serait-il pas temps de commencer à mettre un peu de distance entre la mère et la fille? Le temps n'est-il pas venu de mettre un frein aux exigences de Claire? Et de lui manifester son désaccord quand par exemple elle hurle comme une sirène parce que sa mère ne la sert pas assez vite ou ne répond pas à ses exigences ou parce qu'elle la contrarie par des tentatives pour lui mettre des débuts de limites?


Pour l'instant, pour Virginie, la réponse est non! Elle ne supporte pas d'entendre pleurer Claire. Elle ne supporte pas aussi l'idée que sa fille puisse ne pas l'aimer ... « Elle est petite. Elle a besoin de moi. » dit-elle à ceux et celles qui essayent de lui faire remarquer que l'enfant c'est Claire et que l'adulte c'est Virginie, que c'est à l'enfant à obéir et pas à l'adulte.


Lorsque l'entourage familial interroge Virginie sur ce qu'elle compte faire dans les mois et les années à venir la réponse ne varie pas : «  M'occuper de Claire. Il n'est pas question qu'elle aille chez une nounou ni en crèche ni à la maternelle à deux ans. » Et si on poursuit la discussion viennent vite des reproches à l'égard de sa mère pour avoir travaillé au lieu de s'occuper d'elle et pour l'avoir mise très tôt en maternelle.


Je me demande parfois si Virginie ne passe pas d'un extrême à l'autre. J'ai souvent envie de lui dire: «  Attention! Le trop et le peu gâtent le je. » Et je m'interroge: Virginie aura-t-elle d'autres enfants? Claire ne va-t-elle pas poursuivre sa vie d'enfant unique, d'enfant roi comme c'est si souvent le cas dans notre société d'aujourd'hui? Dans quinze ans sera-je encore de ce monde pour entendre Claire reprocher à sa mère de s'être trop occupée d'elle et d'en avoir fait une princesse tyranique?


André Lugardon.


Notes de lecture:


« Depuis cette fameuse phrase "l'enfant est une personne", les parents se sont mis à traiter l'enfant comme un adulte en lui demandant tout le temps ce qu'il veut, ce qu'il ne veut pas…oubliant que si l'enfant est bien une personne, il est une "petite personne" qui ne doit pas imposer son mode de vie à la famille ! » (Christiane Olivier, psychanalyste) .

(...)

Les parents culpabilisent et l'enfant devient un enjeu affectif. Il est alors facile pour ce dernier de jouer de cette corde sensible. Dès les premiers mois, le tout-petit cherche à satisfaire son "Moi", les autres n'existent que pour satisfaire ses besoins, il fait alors l'expérience de sa toute puissance. Entre 2-3 ans et 8-9 ans, l'enfant échafaude des stratégies pour asseoir sa volonté. La prise de pouvoir est progressive mais inéluctable si l'enfant ne rencontre pas de résistances.

(...)

« L'enfant tyran ne se définit pas par la gravité de ses actes, mais par la multitude de petits acquis quotidiens au détriment de l'autorité de l'adulte ». (Didier Pleux). Les parents capitulent et deviennent des "collaborateurs" croyant acheter ainsi acheter une paix précaire au prix de renoncements successifs. Ils mettent en place des stratégies d'évitement et ne s'aventurent plus à demander quoique ce soit à leur enfant à moins d'être certain de la réponse. De l'enfant gâté à l'enfant roi, et de l'enfant roi à l'enfant tyran les étapes se franchissent très rapidement et chaque renonciation de la part des parents ne fait que préparer le terrain pour un nouvel abandon.

(...)

Le nombre d’enfants uniques ne cesse d’augmenter.

(...)

Mon enfant, ce héros ou ce tyran domestique?

(...)

"Famille nombreuse, famille heureuse" chantait le groupe les Négresses vertes. Les enfants uniques ont longtemps souffert d’une mauvaise image, mais aujourd’hui, alors qu’une femme sur trois n’a qu’un seul enfant, les mentalités évoluent. Alors, règne de l’enfant roi ou avènement de l’enfant alibi ?

(...)


Source: http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/mag_2003/mag1024/ps_7152_enfants_roi_tyrans_capitulation.htm


Bibliographie:

"Enfants-rois, plus jamais ça" de Christiane Olivier, Editions Albin Michel, 2002,
Prix : 14,90 €uros.
"De l'enfant roi à l'enfant tyran" de Didier Pleux, Editions Odile Jacob, 2002,
Prix : 22,50 €uros.


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2 octobre 2006 1 02 /10 /octobre /2006 08:29
 

Quand il y a un problème de manque d'eau à cause de la sécheresse, les médias (et hélas aussi quelques hommes et femmes politiques) nous expliquent que c'est la faute aux paysans et plus particulièrement aux maïsiculteurs. Que c'est commode! Que c'est pratique! Ils sont peu nombreux. Tirons sur eux à boulets rouges! Livrons-les en pâture à l'opinion publique. C'est plus facile de s'en prendre à eux que de s'en prendre aux millions de nos concitoyens (moi y compris) qui tirent leur chassse d'eau à l'eau potable, lavent leur linge ou leur voiture ou leur 4x4 à l'eau potable. ( Et ne parlons pas des terrains de golf arrosés à l'eau potable). C'est plus facile de montrer du doigt une infime partie de la population de notre pays que de faire le nécessaire pour mettre en place de nouvelles réserves d'eau. Quand j'étais enfant, la commune où j'ai grandi était (et est toujours) traversée par un tout petit ruisseau de moins d'un mètre de large et d'à peine quatre vingt centimètres de profondeur. Il y avait sept moulins sur ce ruisseau et sept réserves d'eau parfaitement entretenues et gérées par les meuniers. Il y avait de l'eau toute l'année; année de sécheresse ou pas. Il n'y a plus de meunier et tout est à l'abandon mais nous avons plus de moyens techniques et financiers aujourd'hui qu'hier pour tout remettre en état si nécessaire. Nous savons aujourd'hui mieux qu'hier faire des réserves d'eau. Mais le voulons-nous vraiment?


Quand il y a un problème de disparition d'animaux dans notre pays, à cause par exemple de l'urbanisation massive dévoreuse d'espaces naturels et de l'abandondance de routes et d'autoroutes, c'est la faute aux chasseurs. Ils sont minoritaires dans notre pays et plutôt mal vus des journalistes. Ils agacent la classe politique en créant leur propre parti. Ils agacent tous ceux et celles qui veulent se promener en forêt le dimanche ou pendant les vacances. Ils sont donc souvent montrés du doigt. Cela est bien utile pour ne pas parler de toutes les autres raisons qui peuvent expliquer la disparition de certaines espèces animales.


Quand il y a un problème de chômage, d'insécurité, dans notre pays, c'est la faute aux immigrés. C'est bien commode. Ils ne votent pas. Ils sont en situation irrégulière et maintenus dans cette situation. Pourtant que je sache il n'y a pas un seul ou une seule immigré(e) à un poste de responsabilité dans notre pays. Ils ne sont ni députés ni sénateurs ni ministres ni maires ni conseillers généraux ni policiers ni banquiers. Mais ils alimentent les propos des médias et des hommes et des femmes politiques qui en font souvent les boucs émissaires de tout ce qui ne va pas dans notre société. Pendant que l'on s'en prend à eux les vrais responsables de l'insécurité et du chômage peuvent continuer leur travail de démolition du pays.


Quand il y a un problème de pollution de l'eau du bassin d'Arcachon ce sont les ostréiculteurs qui sont montrés du doigt et livrés en pâture à l'opinion publique. On les rend même responsables de deux morts accidentelles avant de savoir si c'est « vraiment vrai ». Ils ne sont plus que 1100 face à des centaines de milliers de touristes, de vacanciers, de propriétaires de bâteaux de plaisance qui eux bien sûr ne polluent pas le bassin. C'est bien commode les huîtres et les ostréiculteurs. Pendant qu'on parle d'eux de manière très inquiétante on ne parle pas de l'avenir du bassin d'Arcachon.


Il y a un problème avec les enfants? Le niveau baisse? Il y a de la violence dans les écoles, les collèges et les Lycées? Il y a de plus en plus d'élèves « décrocheurs »? « Mais oui bien sûr c'est sûr »... c'est la faute à ... la méthode globale d'apprentissage de la lecture et à tous ceux et celles qui l'ont appliquée. C'est commode et il fallait y penser. Et surtout ne parlons pas des enfants d'aujourd'hui victimes de la violence sociale et économique faite à leurs parents à travers les licenciements, les délocalisations, la répression syndicale et politique. C'est la méthode globale qui est en cause vous dis-je! Et ne disons rien des suppressions de postes de psychologues scolaires, des compressions d'emplois de médecins et d'infirmières scolaires ni de la disparition de bien des travailleurs sociaux. La méthode globale, la méthode globale, la méthode globale, vous dis-je: voilà la cause de tous nos maux! Circulez y a rien d'autre à voir et à dire!


Il y a un problème avec la retraite à répartition? Montrons du doigt les cheminots et leurs « avantages » de nantis. Cela nous évitera de parler de bien d'autres injustices au niveau des retraites.


Voici maintenant venu le tour des juges d'être montrés du doigt. Ils sont trop laxistes. Pourtant on a jamais mis autant de monde en prison depuis quelques années et les peines sont souvent de plus en plus lourdes. On met même des innocents en prison! Mais tirer à boulets rouges sur les juges ça plaît! Cela permet d'oublier qu'après quinze ans d'instruction le procès sur les hormones de croissance empoisonnées n'a toujours pas commencé ni celui sur l'usine AZF de Toulouse après cinq ans d'instruction.


Moi je ne sais pas ce que vous en pensez mais personnellement cette manière de fonctionner actuelle ne me plait pas du tout. Je la trouve dangereuse pour tout le monde et en définitive improductive: en faisant comme ça on ne règle aucun problème. On s'agite et on sème l'agitation, le désordre, la confusion. On nous monte les uns contre les autres. Et la violence tout court succède à la violence verbale, à la violence des idées. Je n'aime pas ça du tout. J'espère que nous allons nous ressaisir rapidement sinon je crains le pire d'ici les élections présidentielles. Geneviève Antonioz-De Gaulle disait «  le bien ne fait pas de bruit parce que le bruit ne fait pas de bien ». Le temps est venu de dire qu'en politique le bien ne doit pas faire de bruit médiatique parce que le bruit médiatique ne fait pas de bien en politique.


André Lugardon.

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2 août 2006 3 02 /08 /août /2006 14:14

 

Il est vingt heures. La chaleur qui a été accablante toute la journée devient un peu plus supportable. J'ai garé ma voiture à l'ombre d'une jolie petite maison ancienne dans une rue d'un petit village lui aussi très ancien. J'y viens souvent faire des soins chez les uns et les autres. Mais aujourd'hui je ne suis pas là pour le boulot.  J'attends que mon dernier fils récupère des affaires chez un copain. Aujourd'hui je ne travaille pas. Je suis de repos. J'en profite pour m'occuper un peu de lui. J'ai la vitre de la portière grande ouverte. La fenêtre du salon de la maison contre laquelle je suis garé est elle aussi grande ouverte. C'est joli et bien décoré à l'intérieur de la pièce, c'est jeune, vivant. J'y viens souvent quand je travaille. Un garçon de deux ans et demi est dans les bras de sa mère. Elle lui parle à l'oreille. Elle rit avec lui. Ils sont beaux tous les deux. Ils me rappellent un dessin de Picasso sur la Vierge et l'enfant Jésus.Soudain il m'aperçoit, me reconnait et fait un signe de la main maladroit; il me dit quelque chose que je ne comprends pas bien. Je lui réponds d'un signe discret de la main et par un sourire. Mais voici que son père entre dans la pièce. Il suit le regard de son fils tourné vers moi. Il m'aperçoit. Nos regards se croisent. Il sait que je sais. Je sais qu'il sait. Nous ne nous disons rien. Il s'approche de la fenêtre sans un mot. Il la ferme et il en tire le rideau. Son fils a subi déjà deux interventions chirurgicales sur une tumeur cancéreuse au cerveau et depuis il a du mal à parler et à bouger un bras et il ne marche plus. Le père a lu dans le regard des chirurgiens,des médecins, des infirmières et surtout dans le regard de son fils que c'est très grave - personne n'ose lui affirmer de manière catégorique que son enfant va survivre mais chacun fait tout ce qu'il peut pour lutter contre la maladie et maintenir l'enfant en vie et en bonne santé. Si le cancer vient à  bout de cette toute jeune vie, à la chaleur accablante qu'il fait aujourd'hui s'ajoutera, dans cette famille, une douleur accablante. Heureux, heureuse, celui, celle qui a la foi du charbonnier car il est des jours où malgré le beau temps, la beauté de la vie, de la nature, les raisons de douter de soi et de l'existence de Dieu sont bien réelles et envahissantes.

 

 

A.... N...., infirmier libéral.  

 

 

 

"Faire le deuil d’un enfant, c’est long, très long"

 

La Croix", 30 octobre 2002.

 

(…) La mort d’un enfant est en effet l’expérience la plus terrible que peuvent vivre des parents. (…) Une épreuve qui atteint la chair de leur chair, contre l’ordre chronologique du temps et des générations  et sur laquelle on a du mal à mettre des mots. Et ils ont le sentiment qu’ils ne pourront jamais la partager avec d’autres, y compris, souvent, avec ceux qui leur sont proches (…). Et « les autres », de leur côté, n’osent pas leur en parler.  La mort de l’enfant reste un tabou très fort, qui conduit à l’isolement des parents. D’un côté, ce sont les parents eux-mêmes qui s’isolent : pris dans un mouvement de culpabilité, ils s’autosanctionnent en se refusant au monde, en évitant d’entrer en contact avec l’entourage. Et les autres parents ont tendance à les fuir, car ils en ont peur : ils ont peur d’être touchés, émotionnellement ou réellement. (…)  Les parents en deuil soulèvent l’Himalaya tous les matins. Au bout d’un an ou deux, la plupart, commencent à peine à sortir du choc. (…) « Faire le deuil d’un enfant, c’est long, très long. On est agité par des sentiments très complexes : on s’attend à n’éprouver que du chagrin, mais derrière le paravent du chagrin il y a la colère, et derrière encore la culpabilité. Ces émotions, il faut que les parents en deuil aient le temps de les repérer, de les vivre, de les traverser… Il s’agit d’un travail lent et difficile. » (…)Les parents qui traversent cette épreuve ne seront jamais plus « comme avant » : ils changent leur échelle de valeurs, leur façon de voir les choses, ils ont besoin d’expérience fortes, authentiques. «  Les parents cherchent à donner un sens à leur vie. Car si la mort d’un enfant n’a pas de sens, on peut donner un sens à sa vie après cet événement-là. » (…)

 

(1) "Le deuil à vivre", éd. Poches, Odile Jacob, 2000.

 

(2) "Le deuil. Comment y faire face ? Comment le surmonter ?", éd. du Seuil, 2002 ou "Apprivoiser l'absence : adieu mon enfant.", éd. Fayard, 1992.

 

 

 

La mort d’un enfant

 

Fin de vie de l’enfant, le deuil des proches

 

 

 

 

 

 

Sous la direction de Michel HANUS

 

 

Quelles qu’en soient la cause et les circonstances, la mort d’un enfant provoque, surprend, dérange du fait même de ce qu’elle représente et suscite. A priori plus inacceptable que d’autres morts, pendant longtemps on en a dissimulé la réalité même, avec ses enjeux et conséquences notamment au sein de l’environnement familial. Cet ouvrage collectif présente une première approche complète de la fin de vie de l’enfant et sollicite le témoignage de nombreuses familles.

 

 

 

Aux Editions Vuibert, collection sciences humaines.

 

 

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25 juillet 2006 2 25 /07 /juillet /2006 09:23

Le socialisme et le communisme sont nés de la misère faite à la classe ouvrière au 19 ième siècle et de l'horreur de la première guerre mondiale. Le nazisme est né des conditions de paix déplorables faites à l'Allemagne par les vainqueurs de la première guerre mondiale. Israël est né de la mauvaise conscience des vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Ils n’ont bombardé aucun four crématoire, aucune ligne de chemin de fer conduisant aux camps d’extermination. Jamais les Arabes n'ont fait aux Juifs ce que les Juifs font aux Palestiniens depuis 1948. Jamais les Arabes n'ont fait aux Juifs ce que les Russes, les Polonais, les Allemands, les Français ont fait aux Juifs. De ceux et celles qui ont été victimes de la shoah, des ghettos et de l'holocauste on pouvait attendre mieux à l’égard des Palestiniens non? Le « nazislamisme » se nourrit des horreurs commises contre les Palestiniens en toute impunité au Moyen Orient depuis bientôt cinquante ans. Il a fallu 1871, 1914-18 et 39-45 pour qu'Allemands et Français cessent de s'autodétruire. Espérons que Juifs et Palestiniens mettront moins de temps que nous pour construire d'autres relations que guerrières. Eisntein aurait dit "si la troisième guerre mondiale a lieu la quatrième se fera au lance pierre"...

 

 

 

 

André Lugardon

 

 

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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 14:55
 

Petite sœur aux yeux de gazelle… L’autre jour tu revenais de l’école avec tes copines. Jolies, espiègles, maquillées. Deux voilées, deux cheveux au vent. Toi, tu portais le foulard et tu marchais à petits pas, sur tes premiers « talons ». Couverte et coquette. Une Maroxelloise. A cloche-pied entre deux cultures. Sur la marelle de la société multiculturelle. Entre traditions et émancipation. Tu m’as confié tes rêves : entrer à l’université, faire ta vie, choisir ton mari. Avec ton franc-parler et ta rage d’apprendre, réussis tes études soeurette. Ton émancipation passe par l’école. Je ne veux pas qu’en t’interdisant le foulard, on te renvoie à la maison torcher les petits frères, subir les pressions parentales. Je refuse qu’on te refoule dans une école musulmane, qu’on te coince dans le repli, qu’on réduise les chances qu’un jour tu décides toi-même de te dévoiler. Tout ce qui ne tourne pas rond dans cette société doit-il être, une fois encore, la faute des femmes ? D’une minorité de femmes, stigmatisées, culpabilisées, bafouées par le regard public ? Soeurettes beurettes, je vous ai croisées dans des manifs contre la guerre. Vous étiez excédées par l’assimilation de votre culture au terrorisme, de votre foi à l’intégrisme. Vous disiez qu’on peut prier Allah en refusant la loi des barbus. Toi, tu portais le foulard, et tu disais : « Je suis fière d’être Belge. Je suis fière de notre politique étrangère. L’Europe ne doit pas s’aligner sur les Etats-Unis. » Khadidja, Aïcha, Latifa, vous m’avez expliqué. A l’école, on porte le foulard pour des tas de raisons. Par effet de groupe et crise ado, comme d’autres adoptent le piercing et le nombril à l’air. Pour être respectées par les garçons, s’afficher sexy en rusant avec un bout de tissu. Pour faire la paix avec les parents, et tracer son propre chemin dans la vie. Le voile, signe de soumission, est, parfois, une escale vers l’émancipation. Vous, à l’université, vous portez le foulard pour affirmer votre identité culturelle et spirituelle. Comme, avant vous, Nabela Benaïssa, dont le courage a ému tout le pays. Vous m’avez dit : « Pourquoi cette fixation sur le voile ? Il y a urgence ? Le chômage, les discriminations, les écoles surpeuplées, les quartiers délabrés, ça ne vous intéresse pas ? » Le voile, c’est bien commode pour tirer le rideau. Et se rendormir.


Bénédicte Vaes.

Publié dans le journal belge " Le Soir" le 9 janvier 2004.



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20 juin 2006 2 20 /06 /juin /2006 21:14

Sur notre douce,fertile et accueillante terre de France...

 

 

 

Sur notre douce, fertile et accueillante terre de France, tous les ans, devant les cours des préfectures et des sous-préfectures, nous jetons, selon les saisons, des tonnes et des tonnes et des tonnes de pommes de terre, de tomates. Nous jetons des melons, nous jetons des pommes, parfois nous jetons des choux-fleurs, des salades et quelquefois de la fraise. Il nous a rrive aussi de jeter du lait et du beurre.  Et quand nous ne jetons pas,  il arrive que les abricots ou les cerises ne soient pas récoltées faute de main d'oeuvre, malgré un nombre toujours important de chômeurs, dans telle ou telle région de notre pays en crise. En crise économique ou en crise de sens?

 

 

 

 

 

Sur notre douce, fertile et accueillante terre de France depuis quelques années nous nous sommes mis à jeter à l'abattoir des troupeaux entiers de vaches sans prendre la peine de vérifier si toutes sont vraiment malades ou non. Nous avons jeté à l'abattoir des  milliers de vaches puis des dizaines de milliers de moutons et dernièrement de volailles.

 

 

 

 

 

 

Nous jetons aussi le plus souvent ce qui tombe en panne car nous dit-on « ça va vous coûter plus cher de le faire réparer ». Réparer un congélateur, un frigo, une télé, une radio c'est pas rentable. Alors on jette et on rachète.

 

 

 

 

 

 

Nous nous jetons aussi entre nous: deux mariages sur trois se terminent par un divorce. Et nous changeons de conjoints commme on change de voitures ou de chemises. Sans doute qu'il est difficile de réparer les couples cassés et que là aussi c'est pas rentable.

 

 

 

 

 

 

Et voilà que maintenant nous nous mettons aussi à jeter des êtres humains: hommes et femmes et enfants jetées à la rue pour x et x...raisons; hommes et femmes et enfants jetés dehors de notre douce, fertile et accueillante  terre de France pour x et x...raisons. Sans oublier les hommes et les femmes jetés d'entreprises qui vont bien, jetés au nom du profit immédiat à court terme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous jetons tous les jours un coup d'oeil sur le journal télévisé qui nous montre tout ça. Nous jetons tous les jours un coup d'oeil sur la première page du journal qui en fait sa une. Et le plus souvent nous ne disons rien. Nous nous taisons. Nous jetons l'éponge.  Mais «  Ne rien dire, de rien écrire, ne rien faire c'est laisser faire ».

 

 

 

 

 

 

Nous jetons un regard critique sur tous ces « politiques » qui ne font rien pour que ça aille mieux et nous nous jetons dans une consommation effraînée de biens matériels et de loisirs pour continuer à garder l'illusion que nous sommes à l'abri à titre individuel de tout ce qui arrive aux autres. Et aux élections nous jetons, pardon nous sortons, les sortants et on recommence la fois d'après et ainsi de suite... Jusqu'à quand? Bien malin qui peut le dire en ce moment.

 

 

 

 

 

 

Mais jusqu'à quand ne serons-nous pas les autres? Notre tour ne va-t-il pas venir un jour prochain de nous faire jeter nous aussi ne serait-ce que par tous ceux et celles que nous aurons laissé jeter sans trop leur manifester aide et soutien?

 

 

 

 

 

 

« La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Mais si elle le peut. Notre pays n'a jamais été aussi riche et n'a jamais connu une aussi longue période de paix. Nos terres en jachères sont plus que jamais douces, fertiles et accueillantes.Enfant, on m'avait enseigné que l'opulence est une infamie. C'est toujours d'actualité non? Mais avons-nous la volonté politique de mettre fin au gâchis actuel et à la mauvaise répartiton des richesses dans notre pays? En en avons nous toujours l'exigence morale et spirituelle? Ou bien préférons-nous nous jeter dans la coupe de monde de foot pour oublier tous les sujets qui fâchent?

 

 

 

 

 

 

Notre douce, fertile et accueillante  terre de France se portera-t-elle mieux si demain nous jetons tous les immigrés dehors?

 

 

 

 

 

 

Ce ne sont pourtant pas eux qui gouvernent et dirigent notre pays ni les affaires du vaste monde.

 

 

 

 

 

 

Notre douce, fertile et accueillante terre de France se portera-t-elle mieux demain si nous continuons à nous jeter  les uns les autres?  J'en doute mais, vous qui me lisez, qu'en pensez-vous? Allez vous jeter ce que je viens d'écrire ou le faire lire autour de vous?

 

 

 

 

 

 

André Lugardon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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16 juin 2006 5 16 /06 /juin /2006 15:30

... est un tort fait à l'Humanité entière".

Le ministre de l'Intérieur souhaite faire de l'ignorance une condition d'intégration.

 

Le langage de Sarkozy

 

par Martin WINCKLER
Libération : mercredi 14 juin 2006

 

Martin Winckler
écrivain.

 


 

Pour Nicolas Sarkozy, il est concevable de régulariser les papiers des immigrants en situation irrégulière à condition que leurs enfants soient primo scolarisés, deuzio nés en France et tertio ne parlent pas la langue de leur pays d'origine (ailleurs, j'ai lu «n'aient aucun lien avec leur pays d'origine»).

 

Primo : «Nés en France», cela va sans dire. Même si, contrairement à ce que je pensais jusqu'à aujourd'hui, en droit, une personne née en France n'est française que si un de ses parents est lui-même français... Les enfants nés en France qui y résident depuis plus de cinq ans peuvent demander la nationalité française... à partir de l'âge de 16 ans. Ça donne le temps de les reconduire à la frontière.

 

Deuzio : «Scolarisés», est-ce qu'il faut vraiment le préciser ? L'école républicaine est là pour accueillir tout le monde (sauf les filles voilées, bien entendu). L'instruction est gratuite, laïque et obligatoire. Notez bien que, s'ils sont seulement scolarisés (mais pas nés en France), ça ne vaut pas.

 

Voici ce qui vient de se passer au Mans, la ville d'où j'écris. «Des policiers français, accompagnés d'une traductrice, sont venus chercher dans une école maternelle du Mans deux petits frères kurdes de 3 et 6 ans, dont la mère était en cours de reconduite à la frontière après le dépôt d'une demande d'asile politique. Le directeur de l'établissement a remis les enfants aux policiers après avoir obtenu le feu vert de sa hiérarchie. Les enfants étaient scolarisés dans cette école depuis mars dernier. "Les deux petits commençaient à s'intégrer. [...] Ça nous a choqués. Venir dans une école, ça ne se fait pas", a témoigné une enseignante... Des parents, des professeurs, des associations se sont mobilisés dans plusieurs villes pour empêcher des expulsions d'enfants clandestins» (dépêche d'agence).

 

Certes, la mère a déjà fait une demande d'asile politique en Norvège et, d'après les accords européens, c'est le premier pays sollicité qui doit traiter la demande. Mais était-il nécessaire d'aller faire chercher les enfants à l'école en milieu de journée par des policiers ? Etait-il inconcevable que la mère elle-même (accompagnée, au besoin, par une policière en civil, si on avait peur qu'elle s'éclipse) aille les chercher à la sortie de l'école ? Etait-il inconcevable que la situation soit expliquée aux enseignants et aux autres enfants ­ au lieu d'agir selon une procédure qui rappelle furieusement l'Occupation et la collaboration ?

 

A mes yeux de citoyen, ces enfants kurdes ont subi la même violence que les enfants juifs complaisamment raflés pendant la Seconde Guerre mondiale. Soixante ans après Vichy, les forces de l'ordre, au lieu d'être les garantes des libertés, sont encore et toujours l'instrument d'un gouvernement qui ne s'embarrasse pas de respect de l'individu.

 

Tertio : «La langue du pays d'origine» ­ c'est sur ce point que la «pensée» de Nicolas Sarkozy est la plus claire. Faire de la méconnaissance de la langue du pays d'origine (ou l'«absence de tout lien avec le pays d'origine») par les enfants nés en France une condition à la régularisation des familles, ce n'est pas seulement monstrueux, c'est aussi d'une grande perversité.

 

Car tout enfant d'immigrant entend ses parents parler leur langue d'origine, la comprend, et la parle lui aussi. Même s'il apprend à l'école la langue du pays d'accueil. Il ne peut pas en être autrement à moins d'interdire aux parents de parler leur langue maternelle devant leurs enfants, et de ne s'adresser à eux que dans une langue d'accueil qu'ils maîtrisent le plus souvent très mal. Et ce serait d'autant plus stupide de le faire que les enfants sont souvent en eux-mêmes le principal vecteur d'intégration des parents : parlant les deux langues ils deviennent «les interprètes» de leurs parents.

 

Moi qui en 1962 ai émigré avec mes parents en Israël, pays dont je ne connaissais pas la langue, j'en sais quelque chose : au bout de quelques mois, mon frère et moi, qui avions respectivement 7 et 6 ans, parlions mieux l'hébreu que nos parents. Et s'il avait fallu que nous «cessions» de parler le français ?

 

Question : si un citoyen venu d'un pays anglophone demandait l'asile politique en France en raison de persécutions exercées sur lui par le gouvernement Bush, préciserait-on comme condition que ses enfants ne parlent jamais l'anglais ? Leur interdirait-on de prendre l'anglais comme première langue dans un collège ou un lycée républicain ? Et si un enfant de réfugié chinois né en France décide d'étudier le chinois au lycée, va-t-on l'empêcher de le faire ? Jusqu'à quel âge ces enfants seront-ils privés de tout contact avec leur pays ou leur culture d'origine ? Et dans la mesure où leur premier lien avec cette culture, cette langue, ce pays est représenté par leurs parents, Monsieur Sarkozy veut-il dire que les enfants pourraient être gardés en France, mais que, pour bien faire, les parents en seraient, eux, expulsés ?

 

Interdire à quelqu'un de parler sa langue ou la langue de ses parents, c'est cruel et c'est barbare. Faire de l'ignorance (ou du mensonge) une condition d'intégration, c'est pervers et monstrueux. Et, en pratique, ce n'est pas seulement monstrueux, barbare et pervers. C'est aussi très, très con. Il est impossible qu'un enfant ignore ses origines culturelles ­ la langue d'origine en est non seulement le coeur mais aussi le vecteur. Et on peut se demander si Nicolas Sarkozy, qui n'hésite jamais à rappeler qu'il est lui-même issu d'une famille d'immigrés, ignore tout de la langue de ses ancêtres. En tout cas, le langage politique du ministre de l'Intérieur n'a rien de maternel. Ce n'est pas un langage, d'ailleurs. Un langage, c'est un outil de communication, d'échange, de partage, d'intelligence.

 

Quatre mots totalement... «étrangers» à Nicolas Sarkozy.

 

Derniers ouvrages parus : Camisoles (Fleuve Noir, janvier 2006) et J'ai mal là (les Petits Matins, mars 2006).

 


 

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